Atteindre les Objectifs de Développement Durable : comment passer de l’intention à la réalisation ?

Publié le 19/10/2023 | La rédaction

L'Agenda 2030 de l'ONU promet de transformer notre monde, mais à mi-parcours en 2023, seuls 15% des Objectifs de développement durable sont atteints. Malgré tout, il faut refuser la résignation et s'inspirer du management stratégique pour redonner vie à cette utopie cruciale. Tribune.

En septembre 2015, 193 Etats membres de l’ONU se dotaient d’un projet collectif d’une portée inédite (l’Agenda 2030), ambitionnant de transformer positivement et durablement l’Humanité tout entière. Pour cela, 17 objectifs de développement durable (ODD), déclinés en 232 indicateurs fournissent un guide pour agir et suivre en temps réel les progrès accomplis dans chacun des pays concernés.

Pouvait-on imaginer plus belle utopie dans notre Monde complexe et fragmenté ? Les 17 ODD, qui se veulent interdépendants, s’attaquent directement aux maux les plus graves de nos sociétés, et visent à les résoudre à l’horizon 2030 : éradiquer la pauvreté, assurer une éducation de qualité pour tous, réaliser l’égalité des sexes, garantir à tous l’accès à l’eau et à l’énergie, réduire les inégalités, restaurer les écosystèmes terrestres, etc. S’il est idéaliste, le projet n’en est pas moins éminemment indispensable, l’atteinte des ODD apparaissant peut-être comme la chance ultime de préserver un semblant de qualité de vie satisfaisante sur Terre pour les années à venir.  

Cette année 2023 donne l’occasion d’un bilan de mi-parcours. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est difficile de se montrer optimiste. A la moitié du « match », l’ONU révèle que seuls 15% des Objectifs de développement durable sont atteints : « le monde est loin d’être sur la bonne voie », dit Antonio Guterres, son Secrétaire Général, usant d’un euphémisme. Sur les 17 ODD, les seuls indicateurs en réel progrès sont l’usage des réseaux de téléphonie et d’internet sur la planète… pendant que les autres, comme la sécurité alimentaire, la couverture vaccinale, les substituts aux énergies fossiles les émissions de gaz à effets de serre ou le processus d’extinction des espèces stagnent, ou sont en nette dégradation[1]

Ainsi, malgré les nombreuses initiatives publiques ou privées des Etats, des entreprises, des associations, des ONG, les faits sont têtus : l’espèce humaine prend une direction extrêmement périlleuse… Et rien ne semble indiquer l’émergence d’un saut de conscience collectif ou de leaders incontestables qui initieraient un réel changement vers un monde soutenable. En France, l’éco-anxiété d’une part significative de la population, révélée par les sondages, ne se traduit que très marginalement dans les comportements du quotidien. Il semble au contraire que, pour paraphraser le célèbre « conte » de la grenouille, nous nous habituons graduellement au réchauffement de la casserole et nous laissons cuire sans trop réagir…

Ne pas se résigner

A l’heure où l’ampleur de la tâche peut nourrir le découragement ou le fatalisme, comment contribuer positivement au débat ? Est-il possible de trouver quelques clés de lecture pour accompagner la mise en œuvre du changement en faveur des ODD ? Tel le colibri du regretté Pierre Rabhi, nous tentons l’exercice, en livrant ici quelques enseignements prodigués par la littérature scientifique en management stratégique, à destination des pouvoirs publics, des entreprises, des organisations qui veulent agir.

Refuser le qualificatif « d’impossible », qui justifie trop souvent l’inaction, et qui génère de lui-même des mécanismes auto-réalisateurs. Les ODD peuvent aujourd’hui sembler « impossible » à atteindre. Mais si vous pensez par avance qu’un projet est impossible à réaliser, vous avez raison, il le sera vraiment. « Il ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait » est une citation de Mark Twain souvent citée : elle possède une part de réalité, comme l’ont toujours montré les plus grands leaders : “we shall never surrender” (W. Churchill). Tant que nous ne renonçons pas, la partie n’est pas perdue[2].

Ne jamais négliger la mise en œuvre… : « 10% des stratégies sont réellement mises en œuvre » prévient Henry Mintzberg, qui conteste, comme bien d’autres, l’inefficiente séparation entre ceux qui seraient chargés de « penser » la stratégie et ceux qui seraient chargés de sa mise en pratique. Le succès d’une stratégie, aussi brillante soit-elle, se joue essentiellement dans les microdécisions quotidiennes, les comportements et les interrelations des acteurs de terrain. Etablir un « plan » comprenant des objectifs ambitieux et des indicateurs n’a de valeur que par son application pratique : in fine, ce sont la cohérence de l’organisation, l’engagement et la motivation des acteurs de terrain qui conduisent à la réussite ou l’échec d’un projet.   

Accompagner le changement. Or, l’engagement, la motivation, le comportement des acteurs ne se décrète pas par un « plan », mais impose un management de grande qualité. Comment ? Donnons trois pistes de réflexion pour nos ODD. D’abord, le sentiment d’urgence : pour accepter de changer, un individu doit comprendre en quoi ce changement est important (ou vital). Ensuite, tout changement doit être associé à une « vision », un futur désirable, inspirant. Ce message manque aujourd’hui : la transition, la sobriété, la décroissance sont des concepts qui évoquent pour beaucoup des contraintes, des privations, autant de freins à l’action dans des sociétés déjà en grande souffrance sociale. Au fond, les ODD ne proposent pas seulement de limiter un cataclysme annoncé, mais in fine de bâtir un monde durable, plus juste, respectueux et équilibré, ce qui est un projet collectif plus engageant. Enfin, il s’agit de repenser le management, pour le recentrer sur son rôle véritable : assurer le développement du potentiel humain qui réside en chacun, en symbiose avec l’environnement. Ce qui ne veut pas dire qu’il est moins performant sur le plan économique : l’Institut de Socio-Economie des Organisations (ISEOR) en apporte des éléments de preuve rigoureusement documentés[3]. En accordant une plus grande confiance aux individus, en encourageant la créativité, l’innovation, les collaborations (public-privé, interdisciplinaire, intergénérationnelle, interterritoriales, etc.), en favorisant les actions de coordination-concertation-communication, il lutte contre les dysfonctionnements qui minent les individus et les organisations, et permet de redonner des marges de manœuvre permettant d’envisager un développement harmonieux de la société.

[1] United Nations (2023), Times of crisis, time of change, Science for accelerating transformations to sustainable development, Global sustainable Development Report 2023.

[2] Le lecteur intéressé pourra lire notre article co-écrit avec le Pr. Gilles Grolleau, paru en juin 2021 dans le Journal of Business Strategy. https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JBS-03-2021-0035/full/html

[3] Voir notamment H. Savall, V. Zardet, M. Péron, M. Bonnet (2015), « le capitalisme socialement responsable existe », Editions EMS

Source:    www.pourleco.com/


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