Canada/Ottawa va tester une nouvelle stratégie pour traiter ses déchets
Fruit d'un compromis politique et « déception » pour les écologistes locaux, la collecte réduite des ordures ménagères à Ottawa commence la semaine prochaine. Mais certaines personnes se demandent si la Ville ne sera pas finalement contrainte d'adopter une approche plus audacieuse.
À partir du 30 septembre, les ménages d'Ottawa ne pourront déposer que trois articles à jeter par jour de collecte des déchets, alors que la limite précédente était de six.
Cette réduction de 50 % peut sembler ambitieuse, mais comme plus de 80 % des ménages ont déjà atteint le nouvel objectif de la municipalité, on ne sait pas exactement ce qui va changer.
Ce type d'approche ne résoudra en rien notre problème de déchets, affirme Kate Reekie, qui est responsable de la campagne sur les ordures auprès de l’organisme de protection de l’environnement local CAFES Ottawa (Community Associations for Environmental Sustainability, ou associations communautaires pour le développement durable).
Dans quelques années, je pense que nous devrons envisager des méthodes bien plus draconiennes pour réduire nos déchets, ajoute-t-elle.
Il s’agit de la stratégie la plus récente visant à réduire la quantité d'ordures acheminées au site d’enfouissement du chemin Trail, qui devrait avoir atteint sa capacité maximale d'ici 2048.
C’est aussi une étape nécessaire pour donner à la Ville davantage de temps pour finaliser un plan de traitement des ordures à long terme – et réunir suffisamment de fonds pour le financer.
À l'origine, les services municipaux avaient proposé un système d’utilisateur-payeur.
Les résidents auraient été appelés à acheter des étiquettes et à les apposer sur les sacs à ordures supplémentaires, comme c'est l'usage dans plusieurs autres villes canadiennes. L’idée a suscité une grande confusion et une opposition si véhémente que les conseillers ont eu du mal à trouver un compromis satisfaisant.
Cette option a été remplacée par la possibilité d'acheter des sacs jaunes pour les déchets excédentaires. Des villes comme San Francisco ont montré, au fil de décennies, que le modèle du paiement à la poubelle, mêlant punitions et récompenses, peut s’avérer une solution efficace.
Nous avons toujours voulu créer des incitatifs économiques, soutient la coordonnatrice du programme résidentiel zéro déchet de San Francisco, Alexa Kielty, en comparant le ramassage des ordures à d'autres services publics. Plus vous produisez d'ordures, plus la poubelle est grande et plus elle est chère. C'est ce qui a poussé les gens à composter et à recycler.
Selon elle, la nouvelle limite fixée à Ottawa semble correspondre à une quantité énorme de déchets, mais elle fait remarquer que le niveau de densité urbaine d'une ville compte également.
Plus les maisons sont grandes, plus les gens ont de surface, plus ils ont la possibilité d'accumuler des choses dont ils n'ont pas besoin, explique Mme Kielty. Je pense que si nous avons moins d'espace, nous consommons moins.
Le risque de décharges illégales
Si Ottawa n'a pas totalement adopté le modèle de l’utilisateur-payeur, d'autres municipalités ontariennes faisant face à des dilemmes en matière de décharges l'ont fait.
Membre de la Faculté de l'environnement et du changement urbain de l'Université York, Calvin Lakhan a suivi les villes dans leur transition. Il a constaté que le système était incroyablement efficace pour réduire les déchets ménagers.
Ce dernier a toutefois remarqué certaines difficultés chaque fois que les villes introduisent un changement à la collecte de déchets.
Selon M. Lakhan, ce changement peut entraîner des décharges illégales, ce à quoi se préparent les agents chargés de l'application des règlements à Ottawa. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de ménages qui trouvent que les nouvelles limites les ciblent injustement parce qu'ils sont plus nombreux et qu'ils produisent donc plus d'ordures.
Il faut limiter ce que les gens peuvent jeter et gaspiller afin d'encourager le recyclage, la réutilisation ou la réduction des déchets, fait remarquer Calvin Lakhan. Mais il y aura des difficultés de démarrage et de croissance.
C'est là qu'entre en jeu une campagne d'application graduelle sans sanction précoce.
Le coup de massue ne tombe que plus tard, explique Trevor Barton, le directeur général de l'association à but non lucratif Municipal Waste Association, ou association en matière de déchets municipaux. Ils [les gens] s'y habituent progressivement et peuvent s'adapter.
Sortir des sentiers battus
Certaines des villes canadiennes les plus performantes ont adopté d'autres solutions créatives, notamment des journées de ramassage illimité une ou deux fois par an, qui encouragent ce que M. Barton appelle le charognage contrôlé entre voisins.
L'utilisation de sacs à ordures transparents a également donné de bons résultats dans les villes qui souhaitent éviter que les articles qui devraient être compostés ou recyclés ne se retrouvent dans les poubelles.
C'est ce qu'a fait la ville de Markham, en Ontario, malgré la frustration que cela a généré chez les résidents.
Ils n'en voulaient pas. Mais la Ville est allée de l'avant, parce qu'elle savait que cela allait permettre de réduire la pollution , dit M. Lakhan. Parfois, la municipalité doit mettre le holà.
Soutenir la meilleure politique, quelle que soit sa popularité, c'est exactement ce que le grand patron d’Écologie Ottawa, William van Geest, espérait que la Ville d’Ottawa serait capable de faire.
Selon lui, le rejet de la proposition des fonctionnaires municipaux a pour effet de balayer sous le tapis une question essentielle, à un moment où Ottawa est en proie à une véritable « crise financière ».
Quant à M. Lakhan, il estime que la clé pour convaincre le public est de lui faire comprendre que la gestion des déchets n'est jamais vraiment gratuite. Plus vous gérez de déchets, plus cela coûte cher à la ville, et donc plus vos impôts fonciers sont élevés, explique-t-il.
Source: ici.radio-canada.ca/