France/Marseille : Les Beaux Mets, premier restaurant en prison de France ouvert au public

Publié le 24/01/2022 | La rédaction

France

Et si vous alliez déjeuner en prison ? Cet été, les Beaux Mets ouvriront leurs portes à la maison d’arrêt des Baumettes, à Marseille. Des détenus feront tourner le restaurant semi-gastronomique dans le cadre d’un chantier d’insertion, porté par l’association Départ (La Table de Cana). Un projet social et sociétal unique en France.

Imaginez un restaurant semi-gastronomique au cœur d’une maison d’arrêt, où les chefs et le personnel de salle sont des personnes détenues proposant leurs plats aux clients venus de l’extérieur. C’est bien le projet novateur mené par l’administration pénitentiaire au centre de détention des Baumettes, via sa « Structure d’accompagnement vers la sortie » (SAS) en partenariat avec l’association Départ (La Table de Cana Marseille).

Après une expérimentation en mai 2019 à Coco Velten, dans le centre-ville de la cité phocéenne, les Beaux Mets s’imposent comme le premier restaurant d’application de France qui verra le jour au sein d’une prison et ouvert au public. Les travaux ont débuté au mois de décembre 2021, au deuxième étage d’un bâtiment, pour être aménagé à l’identique d’un restaurant avec une cuisine et une salle qui pourra recevoir 40 couverts.

Le lieu choisi permet d’avoir un accès direct depuis la détention. Le public, lui, pourra y accéder par l’extérieur, en traversant une petite cour, selon la réglementation en vigueur dans une maison d’arrêt. Après la réservation, pièce d’identité et casier judiciaire seront contrôlés en amont pour autoriser l’entrée. Pour des raisons évidentes de sécurité des détenus, personnels encadrants et pénitentiaires, les téléphones portables devront rester à l’accueil.

La gastronomie au service d’un accompagnement socio-professionnel renforcé

Dans sa phase opérationnelle, une équipe de 13 personnes détenues sera entourée de trois encadrants techniques et d’un conseiller en insertion professionnelle. Ils seront en lien avec Pôle emploi, la Mission locale et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip). « Nous proposons aux détenus un parcours en insertion d’une durée minimum et renouvelable de 4 mois. Cela veut dire que l’on peut envisager sur une année complète une quarantaine de personnes en moyenne susceptibles de passer par notre chantier d’insertion », explique Carole Guillerm, coordonnatrice du projet de l’association Départ.

Son expertise est reconnue sur le territoire, avec des initiatives à succès telles que la Table de Cana ou encore Des Étoiles et des Femmes. « C’est un projet qui fait sens pour nous, car notre cœur d’activité c’est l’insertion socioprofessionnelle de personnes exclues ou éloignées de l’emploi par la gastronomie ».

Outre les postes en cuisine, en salle, et même en préparation de commandes, « parce qu’on est en chantier d’insertion sur de la formation en production », devrait s’ajouter un accompagnement socioprofessionnel renforcé pendant le parcours et à l’issue, également agrémenté de modules, tels que « de la remise à niveau en français ou, plus techniques, sur des questions d’hygiène alimentaire, par exemple », poursuit Carole. Des master class avec des chefs étoilés ne sont pas exclues, « car c’est un projet pour lequel il y a un fort attrait ».

Et pour cause. Accompagnement renforcé. C’est le leitmotiv de ce projet ambitieux et très encadré, piloté par la « Structure d’accompagnement vers la sortie » (SAS) des Baumettes.

C’est au sein de la Structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) que se trouve le futur restaurant les Beaux Mets.

La « Sas », une structure dédiée pour préparer efficacement la sortie

Au début des années 2000, l’administration pénitentiaire prend conscience, pour les courtes peines d’emprisonnement, des difficultés à préparer efficacement un projet de sortie, qui plus est dans un contexte de sur-fréquentation des maisons d’arrêt, mais surtout d’un mélange des publics, entre personnes prévenues et condamnées.

De ce constat sont nés différents types de « micro-structures » (Quartiers courtes peines (QCP), les centres pour peines aménagés …) destinées à préparer cette sortie plus efficacement. En 2018, la volonté est de créer un seul et même pôle. Une structure pilote voit le jour à Marseille, sous le nom de « Quartiers pour sortants », pour mener une première expérimentation nationale. L’année suivante, elle devient « Structure d’accompagnement vers la sortie » (SAS).

À ce jour, il en existe plusieurs en France (Bordeaux, Poitiers, Lille…) « Elles sont destinées à des personnes condamnées définitivement et qui ont un reste de peine à effectuer compris entre six mois et deux ans. Une durée plus courte ne permettrait pas de travailler véritablement sur un projet et, plus longue, on s’éloignerait de l’idéologie de la structure de préparation concrète vers la sortie. Elles s’adressent également à des personnes en situation régulière ou en voie de régularisation », explique Aurore Coulom, directrice de la SAS.

Elle accueille, par ailleurs, uniquement un public masculin. Sur site, elle est composée de deux bâtiments de détention, un pour l’accueil de personnes en semi-liberté (57 places) et un autre réservé pour la SAS (80 places), avec entre les deux, un couloir de circulation où se trouve notamment l’unité sanitaire.

Pour une réinscription progressive dans la vie sociale

Dans la cité phocéenne, la structure s’est fortement ancrée sur le territoire, « c’est-à-dire qu’on accueille des personnes dont la sortie se fera à Marseille ou son environnement proche parce que cette structure est vraiment construite sur la logique du dedans-dehors ».

L’idée est bien ce « sas » dans les deux sens du terme. « On parle souvent du choc carcéral. Là, il s’agit d’éviter le choc de libération avec des sorties sèches, la sortie de détention n’ayant pas été préparée ».

Source:    madeinmarseille.net


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